Description médicale d’une grève de la faim par un médecin généraliste belge.
Ce
médecin fait partie du collectif médical qui a notamment suivi les
grévistes de la faim d’Evere.
Il est important que les grévistes de la faim soient informés avant
d’entamer leur action tout comme la population qui ne peut ignorer une
action d’une telle ampleur.
En
dehors de cas particuliers liés à des caractéristiques de santé
personnelles (notamment certains facteurs de risques préalables à la
grève de la faim, ce qui était le cas pour plusieurs des grévistes),
l’évolution médicale, en cas de jeûne complet, présente une série
d’étapes chronologiques qui se succèdent systématiquement. Il est à
noter que, globalement, la majorité des grévistes présentaient d’emblée
un mauvais état général rendant ces différentes étapes plus rapides et
plus sévères.
Voici les étapes de l’évolution médicale :
- Sur le plan métabolique, pour
assurer l’apport énergétique minimal, de 1200 à 1800 kcal/jour,
essentiellement sous forme de glucose :
a.. La première phase, d’habitude assez courte, se
caractérise par la
consommation des réserves en sucre (glycogène), réserves peu
importantes et
destinées à faire face à des besoins énergétiques ponctuels.
b.. La
deuxième phase correspond à la consommation des graisses (lipides) ; sa
durée est très variable et dépend de la masse grasse totale : elle sera
donc potentiellement longue chez les obèses, beaucoup plus courte chez
les grévistes maigres au départ.
c.. La troisième correspond, elle, à
la consommation des protéines, et touche donc les tissus « nobles » de
l’organisme, et de manière progressivement irréversible.
Sur le plan clinique :
a.. Les premiers jours sont d’habitude assez bien
supportés, malgré la sensation de faim et des spasmes gastriques
importants, symptômes qui disparaissent d’habitude après une dizaine de
jours.
b.. Ensuite et jusqu’à 3-4 semaines de jeûne, le poids diminue
de manière régulière (10-20 kgs en un mois), et plusieurs symptômes
pénibles se développent : hypotension avec vertiges surtout en position
debout (forçant à la position couchée), bradycardie (cœur lent),
diminution de l’activité, des capacités de concentration et de
réflexion, fatigue extrême, douleurs musculaires, diminution de la
température corporelle, hoquet, crampes abdominales, insomnies, maux de
tête.
c.. La phase de maladie apparaît ensuite, avec des dégâts parfois
irréversibles : vomissements, ictère (jaunisse), problèmes d’audition
et de vision (vue double ou diplopie, hémorragies rétiniennes
conduisant à la cécité, mouvements oculaires anormaux puis paralysie),
hémorragies des gencives et de tout le tube digestif, lésions cutanées,
troubles du comportement et lésions cérébrales.
d.. La dernière phase
(terminale), pouvant commencer dès le 40e jour : euphorie, confusion,
somnolence, troubles respiratoires et coma, le tout pouvant entraîner
la mort en quelques heures. e.. Il faut noter que d’autres
complications peuvent apparaître, de manière non systématique mais
parfois très précoce : altération de la fonction rénale, hypertension
artérielle, troubles métaboliques (ioniques), convulsions, délire,
lésions cérébrales (encéphalopathie de Wernicke), oedèmes de carence,
etc.
De plus, apparaissent de manière
progressive, un début d’altération des fonctions cognitives, des
manifestations dépressives menant à des positions politiques extrêmes
de plus en plus fermes quant à la poursuite du jeûne.
Survenant après 5 semaines de grève de la faim, cette
volonté ne peut qu’entraîner des conséquences critiques, irréversibles
et potentiellement mortelles à court ou moyen terme, aucun gréviste de
la faim n’ayant jamais survécu plus de 70 jours, la majorité pas plus
de 50-60 jours, en fonction de l’état physique de départ.
Michel ROLAND Médecin généraliste
Source: resf37.free.fr/spip.php?article104