Source : Le Monde
Mesure phare, et la plus contestée, du projet de loi sur la réforme des retraites, le report de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans à l'horizon 2018 a été adopté par l'Assemblée nationale vendredi en fin d'après-midi. Pour les personnes nées après 1950, l'âge légal de départ en retraite sera reporté de quatre mois tous les ans.
Le projet de loi reporte également de 65 à 67 ans l'âge permettant d'obtenir une retraite à taux plein quel que soit le nombre de trimestres cotisés, une disposition qui devait être adoptée dans la foulée vendredi soir par les députés.
A l'issue d'un débat de six heures, l'article 5 du projet de loi a été adopté à main levée, trois jours aprèsdes grèves et des manifestations qui ont vu défiler, selon les estimations, de 1,1 à 3 millions de personnes contre la réforme des retraites.
L'UMP et le groupe du Nouveau Centre (NC) ont voté pour, les groupes de gauche ont voté contre. Pour Alain Vidalies, porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, il s'agit "d'un moment grave que nous vivons collectivement avec une certaine tristesse", d'autant plus que les socialistes "[appartiennent] à une famille qui a crée la retraite à 60 ans".
"Nous sommes clairement opposés à cette mesure totalement injuste et totalement inadaptée à la réalité sociale de notre pays", a ajouté la socialiste Marisol Touraine. "L'âge légal à 60 ans, c'est le bouclier social des plus modestes", a-t-elle ajouté, accusant Nicolas Sarkozy d'avoir "menti au peuple français" en promettant de ne pas toucher à la retraite à 60 ans pendant la campagne présidentielle.
PAS DE CONCESSIONS SUR LES "MESURES D'ÂGE"
Les députés de la majorité ont ainsi suivi le premier ministre, François Fillon, qui a exclu jeudi toute concession sur les "mesures d'âge". Ces dernières représentent l'essentiel des économies de 18,6 milliards d'euros que le gouvernement compte faire à l'horizon 2018 grâce à sa réforme.
Le gouvernement explique que tous les pays européens ont relevé l'âge de départ à la retraite, à commencer par l'Allemagne, où le seuil a été porté à 67 ans, et ne s'est dit prêt à bouger que sur la pénibilité et les carrières longues. "Je pense qu'aujourd'hui lâcher autre chose, ça veut dire ne plus assurer le financement des retraites", a dit François Fillon en expliquant que si l'on ne faisait rien le déficit serait de 45 milliards d'euros par an en 2020.
Le maintien à 65 ans de l'âge de la retraite à taux plein quel que soit le nombre de trimestres cotisés, principale revendication du syndicat CFDT dans la négociation, coûterait à lui seul 6 milliards d'euros, avait-il ajouté.
DIVISION DE LA GAUCHE SUR LA DURÉE DE COTISATIONS
Le vote des "mesures d'âge" par les députés risque de renforcer la détermination des syndicats qui ont appelé à une nouvelle journée de grèves et de manifestations le 23 septembre. Ségolène Royal a assuré, jeudi soir sur France 2, que les socialistes reviendraient à la liberté de partir à la retraite à 60 ans si la gauche emportait l'élection présidentielle de 2012.
"Vous ne reviendrez pas sur cette mesure, car si vous le faites ce sera au prix d'une baisse très importante des pensions des Français", a affirmé Eric Woerth, le ministre du travail, après que Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée, eut repris ces propos à son compte.
Unie pour défendre le symbole de la retraite à 60 ans, l'opposition de gauche a toutefois montré des signes de division sur la question de l'allongement de la durée de cotisations, désormais soutenue par le PS, au grand dam du PCF et du Parti de gauche.
"Nous sommes en total désaccord avec la position du Parti socialiste", a déclaré le porte-parole des députés PCF et Parti de gauche, Roland Muzeau. "Il ne faut pas mentir aux Français : si on maintient la retraite à 60 ans, il faut arrêter l'allongement de la durée de cotisations".
L'examen du projet, qui compte une trentaine d'articles et sur lesquels ont été déposés environ six cents amendements, devrait se poursuivre jusqu'au début de la semaine prochaine. Les députés se prononceront le 15 septembre par un vote solennel sur l'ensemble du projet de loi, que le Sénat examinera à son tour dès le 1er octobre.
L'objectif du gouvernement, qui a décidé d'utiliser la procédure d'urgence, est de faire adopter définitivement cette réforme par le Parlement à la fin octobre, début novembre.