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| Sujet: Université, recherche : pourquoi nous ne cèderons pas. Mar 19 Mai - 15:53 | |
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- Université, recherche : pourquoi nous ne cèderons pas, par des enseignants de l'Université de Strasbourg.
Après quinze semaines de lutte, de grève et de manifestations diverses sur l'ensemble du territoire, le gouvernement reste obstinément campé sur ses positions initiales. S'il est encore trop tôt pour dresser un bilan du plus long mouvement universitaire de l'histoire récente, nous constatons que nos autorités de tutelle ont choisi l'épreuve de force plutôt que le compromis, la démagogie plutôt que la démocratie et une campagne de désinformation injurieuse plutôt que l'apaisement souhaité par tous les acteurs du conflit. Ce style de gouvernement, hélas, se généralise. Il ne manquera pas de susciter dans l'ensemble de la fonction publique et de la société des résistances à la mesure de l'incompréhensible gâchis du "modèle français" qu'il cherche à provoquer.
Le décret sur le statut des enseignants-chercheurs a été modifié à la marge, sans l'accord des représentants réels de notre communauté : coordination nationale des universités, associations et sociétés savantes, syndicats majoritaires. Le contrat doctoral impose désormais le financement privé des thèses, au détriment des étudiants sans moyens propres, de la qualité d'un travail souvent long et pénible – et plus généralement des sciences humaines, rarement sponsorisées par les entreprises. Les accords passés avec le Vatican dans le cadre supposé de l'uniformisation européenne (processus de Bologne) mettent en danger le monopole de l'Etat républicain et laïque pour la délivrance des diplômes, ouvrant la voie aux revendications d'autres institutions religieuses et communautaires. La mastérisation de la formation des instituteurs et des enseignants du secondaire sera très probablement votée en catimini cet été et donnée pour acquise à la rentrée. L'autonomie des universités, dont personne ne conteste le bien-fondé en théorie, a été accordée sans moyens supplémentaires et surtout sans aucune garantie de séparation des pouvoirs, donc d'équité.
Prétendre que l'on ne peut réformer un pays crispé sur ses supposés "avantages sociaux" relève du mensonge ou d'un mépris volontaire de ce qui a été engagé par les gouvernements précédents – fussent-ils de droite – ceci, au nom d'une "rupture" moins "tranquille" que contradictoire et idéologique. Ce qui a provoqué le soulèvement des universitaires, ce n'est pas une opposition a priori aux réformes, mais la méthode brutale, les objectifs dissimulés de démantèlement du système éducatif, la remise en cause des compétences, le dénigrement systématique d'un métier en pleine mutation, le refus de revaloriser des carrières difficiles. Nous voulons que les parents aient confiance en l'école publique, que les vocations d'enseignant naissent, que la recherche fleurisse dans notre pays. Les réformes mises en oeuvre nous apparaissent au mieux comme une régression, au pire comme une volonté délibérée de ruiner toute possibilité d'accès au savoir, toute gratuité de la connaissance et au final, toute liberté de penser et de s'exprimer.
Ces derniers jours, on annonce urbi et orbi le retour à la normale tout en stigmatisant les résistants actifs, soi-disant noyautés par des extrémistes et des gauchistes. Certaines facultés refusent les examens, d'autres engagent un blocage administratif multiforme : moins visible dans l'immédiat, il empêchera à terme le fonctionnement des établissements, à commencer par la rentrée universitaire 2009. Toutes ces initiatives, adaptées aux circonstances particulières de chaque université, sont légitimes. Si les examens ont lieu aujourd'hui à Strasbourg, ce n'est ni sur ordre de ministres ayant perdu toute crédibilité et abdiqué toute dignité, ni parce que nous avons renoncé à notre combat. Cette décision a été prise par notre communauté universitaire – enseignants, chercheurs, personnels administratifs et techniques, étudiants – pour ne pas faire le jeu du gouvernement en sacrifiant ce pour quoi nous nous battons. Nous continuons à exiger le retrait des textes incriminés et demandons une vraie concertation. Nous en avons assez de subir des attaques insensées, nous voulons réfléchir sereinement, collectivement, efficacement à l'avenir de l'université française.
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