G.W. Bush a battu les sommets d’impopularité aux USA. Pourtant, jamais
les citoyens américains ne sont descendus dans la rue pour bloquer leur
propre pays. On peut évidemment être contre un gouvernement mais cela
ne donne pas le droit de mettre en danger l’économie de son pays. Les
américains ont assumé leur choix électoral jusqu'au bout sachant qu’ils
auraient la possibilité de changer le moment venu. Aujourd’hui, un
grand espoir se porte sur le nouveau président Obama tandis que
l’alternance démocratique s’est produite dans un processus exemplaire
pour le reste du monde.
Rappelons-nous qu’une même vague
d’espérance avait porté quelques mois plus tôt Nicolas Sarkozy au
pouvoir alors que les français désespéraient de pouvoir sortir notre
pays de ses blocages chroniques. Mais il a fallu quelques mois pour que
cette espérance se transforme en désillusions. On nous dit que la crise
est passée par là comme si les mouvements de grève et les conflits
sociaux dataient de l’arrivée au pouvoir de Sarkozy. Depuis 15 ans que
je suis en poste à l’université, il ne s’est pas passé une année sans
qu’une session d’examen soit perturbée par des conflits sociaux qui
peuvent à tout moment dégénérer en blocage du campus. A chaque fois que
j’invite des collègues étrangers ou que je participe à une conférence à
l’étranger, j’ai la hantise d’une perturbation dans les transports
publics qui bloquerait mon invité dans un hall de gare ou d’aéroport.
Telle est en tout cas la crainte exprimée par les collègues étrangers.
On
nous dit que les deux tiers des français approuvent ce mouvement social
qui exprime un ras-le-bol général. Et alors ! Une majorité de français
a porté cette équipe au pouvoir. Quelle est la majorité la plus
légitime, celle qui exprime dans les urnes ou celle qui s’exprime sur
les ondes ou qui bat le pavé ? Une majorité de français aimerait sans
doute aussi pouvoir gagner sa vie sans avoir l’obligation de
travailler. Mais la majorité ne fonde pas en toute circonstance la
légitimité.
Le peuple français - ou ceux qui prétendent parler en
son nom - est en conflit permanent avec son propre gouvernement, avec
ceux qu’il met précisément au pouvoir de sorte que notre pays se trouve
dans une incapacité à être gouverné. Cette incapacité se traduit par
une dérive des finances publiques que personne ne semble pouvoir
stopper. Tout le monde se tourne vers l’Etat mais qui viendra en aide à
l’Etat lui-même ? On sait que l’issue d’un tel processus est la
faillite de l’Etat, ce qui est toujours le prélude aux troubles
intérieurs les plus imprévisibles.
Pourtant, la litanie
anticapitaliste s’affiche dans tous les débats autorisés. « Rien ne
peut moraliser le capitalisme », « le capitalisme ne se moralisera pas
de lui-même » nous assènent les « experts » altermondialistes. Mais qui
moralisera les moralisateurs ? Ils oublient de dire qu’il était
interdit de critiquer le communisme dans les pays communistes alors que
le capitalisme se tourne lui-même en dérision à travers des campagnes
publicitaires ou la presse libre dont il permet l'épanouissement. C'est
qu'il n’existe tout simplement pas de « système » capitaliste. Par
contre, il existe une éthique du capitalisme - remarquablement analysée
par Max Weber - dont on s’est dramatiquement écarté pour avoir ignoré
les principes philosophiques et humanistes qui fondent le libéralisme.
«
Le
retour en grâce de Keynes va de pair avec la peur panique de voir les
ménages épargner plutôt que consommer. Cela peut se comprendre ! Mais
on se doit aussi de constater que le discrédit jeté par l’illustre
économiste sur l’épargne, définie pour les besoins de la cause comme «
l’excédent du revenu sur la consommation », est pour beaucoup dans les
déviations, y compris financières, du capitalisme occidental.
Schématiquement, l’esprit du capitalisme dont on s’est terriblement
éloigné en Occident se résume comme suit. L’épargne individuelle est
par la force des choses toujours à la source des fonds propres apportés
aux entreprises (leur « capital »). Certes, l’épargne peut s’analyser
comme une renonciation à consommer de la part de l’investisseur. Mais
il s’agit d’une renonciation consistant à transférer auxdites
entreprises un pouvoir d’achat multiplié – par les vertus de la
rotation du capital – leur permettant d’investir et d’embaucher. Bref :
de développer dans la société toute entière la consommation très
au-delà du « sacrifice » de consommation consenti à la base par
l’épargnant. Une économie capitaliste qui s’éloigne sur le fond de ce
modèle cessera de l’être et s’appauvrira. C’est notre cas » [1].
Ce
n’est pas parce qu’on ne connait pas des principes qu’ils n’existent
pas ; ce n’est pas parce qu’on ignore une chose que cette chose cesse
d’exister. De la même manière que l’on voudrait multiplier la sphère
des droits tout en rétrécissant le domaine des devoirs au nom d’un «
contrat » démocratique vicié, on a voulu consommer des richesses que
nous ne sommes plus en mesure de produire, notamment en sacrifiant nos
capacités d’investissement au nom du pouvoir d’achat. Ce faisant, on a
voulu accroître le niveau de vie de tous en brisant l’effort productif
de chacun. Que les français soient cohérents et qu’ils portent
Besancenot au pouvoir, le monde changera…