Animateur Administrateur
Nombre de messages : 9064 Age : 33 Ville : Grand Ouest Date d'inscription : 17/05/2007
| Sujet: Dossier - Bases élèves revient Dim 2 Nov - 15:45 | |
| Comme prévu, le ministère de l’Education nationale publie – le jour de la Toussaint... – une version light de Base élèves 1er degré.Voici l'arrêté : http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2935 Le ministère “oublie” de préciser ce qui est peut-être le plus important : au moment de sa première inscription dans l’enseignement primaire chaque enfant se voit attribuer un Identifiant national élève (INE), qui le suivra pendant toute sa scolarité (primaire, secondaire, supérieur). Ces identifiants permettront à l’administration de constituer un répertoire de la jeunesse. Cette page du site LDH Toulon vous donnera des informations sur certains aspects d’un fichage à propos desquels le ministère reste étrangement silencieux (à titre d’exemple : les données de l’INE pourront être conservées pendant 35 ans !). Sans oublier qu'une "sans-papière" a été récemment convoquée au commissariat (Paris V) après avoir inscrit son fils à l'école http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2930 - Citation :
Contrairement à ce qu’on entend parfois dire, pour base élèves tout n’est pas « réglé ». Mais on arrive maintenant au coeur du problème : la constitution d’un fichier national de la jeunesse.
La situation n’étant pas claire, du fait du comportement opaque de l’administration, il a paru utile de faire le point. Voici donc les éléments du dossier qui paraissent essentiels [1].
[Page mise en ligne le 10 octobre 2008, mise à jour le 13 octobre]
Edvige a récemment attiré l’attention sur la volonté des autorités de ficher les citoyens et notamment les mineurs à partir de 13 ans. Mais depuis 2004, des enseignants et des parents d’élèves luttent contre la mise en place du fichier Base élèves 1er degré...
L’expérimentation de Be1d a commencé au cours de l’année scolaire 2004-2005, en partenariat avec les communes, dans une vingtaine de départements. Elle a été généralisée à toutes les académies à partir de la rentrée 2007 (1891).
Les déclaration(s) à la Cnil
La déclaration de Be1d à la Cnil a été faite le 24 décembre 2004, mais le dossier n’a pas été rendu public (2092). Il faudra attendre près de deux ans et de nombreux échanges entre le Men et la Cnil pour que cette dernière établisse, le 10 novembre 2006, un récépissé de cette déclaration (voir 2160 et notamment cette note) [2].
Afin de mettre en conformité la déclaration avec le contenu réel de l’application, le Men a déposé le 19 février 2008 une déclaration modificative, pour laquelle la Cnil a établi un récépissé le 22 avril 2008 (2787).
La sécurisation
En juin 2007, on a pu constater que Be1d n’était pas sécurisé (2104 et 2107).
Aujourd’hui, les mesures de sécurisation annoncées ne se sont toujours pas concrétisées...
Modifications et déclarations d’intention
Devant l’émotion soulevée par la présence sur la fiche individuelle d’informations concernant la nationalité, le Men décide, début octobre 2007, de les supprimer (2289).
Le 13 juin 2008, Xavier Darcos fait savoir que « Les données liées à la scolarité de l’élève ne porteront que sur des champs restreints : dates d’inscription, d’admission et de radiation, classe » et que « la durée de conservation des données sera limitée à la scolarité de l’élève dans le 1er degré ». Ces « évolutions » seront précisées dans « un arrêté » ajoute le ministre. (2739).
Le 17 juin 2008, auditionné par deux commissions de l’Assemblée nationale, le ministre confirme : « J’ai trouvé que ce document [Be1d] était profondément liberticide. L’origine sociale des familles, la langue des parents, etc. ne nous intéressent pas. […] Nous avons donc modifié le décret relatif à la “ base élèves ”, de façon qu’elle indique uniquement le nom et l’âge de l’élève. »(2861).
En fait de décret ou d’arrêté, nous n’avons encore rien vu venir …
L’identifiant unique
La mise en place de Be1d a occulté un autre fait sans doute plus important. En effet le Men a pour objectif d’attribuer à chaque enfant en âge de scolarisation un identifiant unique qui le suivrait depuis la maternelle jusque dans le supérieur (2856). Ce qui permettrait la constitution du BNIE (2877), répertoire national des identifiants élève-étudiant (INE) (2142) — où les données pourront être conservées pendant 35 ans.
Nous nous retrouvons donc dans une situation comparable à celle de 1974 où l’émotion soulevée par le projet Safari (2881) avait été à l’origine de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique et aux libertés, qui a donné naissance à la Cnil. Cette loi avait pour objet premier de protéger le citoyen contre les dérives auxquelles la mise en œuvre de traitements centralisés et l’exploitation systématique de données personnelles pouvaient conduire les principales administrations publiques – l’interconnexion, réalisée ces dernières années, entre les fichiers sociaux et fiscaux, illustre l’importance des problèmes dûs à l’utilisation croissante de l’informatique par les administrations (2865).
Réagir ?
La mise en place d’un répertoire national de la jeunesse, en l’absence de tout débat, a quelque chose de scandaleux. Et on comprend la réaction de ceux qui, ne voyant pas d’autre possibilité, se déclarent objecteur de conscience face à l’existence même d’un fichier central de l’enfance (2876 et 2907).
Et le scandale est double quand l’administration réagit par la contrainte en menaçant de sanctionner un directeur réfractaire à Be1d (2895).
Une histoire vraie
Au matin du lundi 17 septembre 2007, l’Inspecteur d’Académie du Haut-Rhin a envoyé aux 850 écoles du département un mail leur demandant de signaler les élèves scolarisés « sans papiers ». L’ensemble de la communauté éducative a immédiatement dénoncé cette « démarche inacceptable » et, dans l’après-midi, l’administration a annulé sa demande (2263).
Peut-on imaginer comment les choses se seraient passées si l’administration avait disposé d’un fichier national centralisé des enfants ? Les ordinateurs auraient-ils protesté ?
« Personne ne peut savoir comment un fichier, créé pour telle ou telle raison, évoluera au gré des lois, si bien que son objet est très vite détourné. Lorsqu’on a voté la création du fichier des empreintes génétiques (le Fnaeg), sous le règne d’Élisabeth Guigou en 1998, c’était soi-disant pour traquer les délinquants sexuels dangereux. Et on s’est aperçu plus tard que la loi a évolué pour concerner des petits délits, notamment suite à la loi Sarkozy de 2003. » Maurice Rajsfus [3]
P.-S.
Une réunion nationale de résistance au fichier “base élèves” se tiendra à la Bourse du Travail de Paris, samedi 8 novembre de 10h30 à 18h. Notes
[1] Les liens qui figurent entre parenthèses pointent vers des pages de ce site comportant des compléments d’information.
Les abréviations utilisées sont les suivantes : Be1d : Base élèves 1er degré Cnil : Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés Men : ministère de l’Education nationale.
[2] A noter que, depuis la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 qui a amputé la Cnil d’une partie de ses pouvoirs, la commission n’a plus les moyens de s’opposer à la mise en place de fichiers administratifs.
[3] Marice Rajsfus parle en connaissance de cause, lui qui a été fiché au « fichier juif » en octobre 1940, avant d’être arrêté par des policiers français, le 16 juillet 1942, au cours de la rafle du Vel’ d’Hiv’ — il avait 14 ans.
Ce texte est extrait de sa préface à Big Brother Awards. Les surveillants surveillés éd Zones/La Découverte, en librairie le 16 octobre 2008. | |
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