Alors que de nombreuses arrestations de militants pour la liberté de
circulation ont eu lieu lundi 15 février à l’aube à Paris, les services
«antiterroristes» sont à la manœuvre à Lyon depuis quelques jours.
Fin
janvier, quelques jours après l’ouverture du Grand Lyeu deux personnes
se font contrôler devant la porte. «Contrôle de routine» par la BAC.
Les flics repartent avec un numéro de téléphone portable et deux
identités.
Deux semaines plus tard un coup de fil : «Bonjour,
police du huitième, on aimerait bien discuter avec vous…» Convocation
informelle à Marius-Berliet sans plus d’explications.
C’est en
fait un flic de la Sous Direction AntiTerroriste qui le reçoit, très
détendu. Un flic sympa, qui dit du mal des bourrins de la BAC, qui joue
au papa bienveillant dans le cours de la discussion. N’empêche il en
profite pour interroger pêle-mêle sur l’affaire de Chambéry, les tags
et les actions en soutien aux inculpés de Vincennes et puis il aimerait
bien savoir ce qui se passe dans les squats en ce moment. «Ce “grand
lieu” il y a des gens dangereux à l’intérieur ? Des gens violents ? Est
ce que vous discutez des black blocs ? Qui organise l’autodéfense le
dimanche, les projections-débat, etc.» Lui, c’est un super flic. Il
court après les poseurs de bombe, pas les «gamins qui jettent des
pierres sur la police». Sous entendu : «Tu peux me raconter toutes ces
broutilles que je donne l’impression de connaitre : et en balançant un
maximum de noms si possible.»
À la différence de la DCRI, la
SDAT n’est pas censée faire de la surveillance générale. Elle débarque
parce qu’elle est saisie dans le cadre d’une enquête bien précise. Là
ça peut être plusieurs choses : les suites de l’affaire de Chambéry,
l’enquête en cours sur les actions de soutien aux inculpés de
Vincennes, une enquête au long cours sur les ramifications des réseaux
d’ultra-gauche. Dans tous les cas ces flics cherchent à établir des
connexions, identifier les réseaux, voir qui traine avec qui… Et ce qui
bloque le travail de la police jusque-là c’est que les gens se tiennent
plutôt bien : d’où l’idée de recruter des sources d’information. Ça
peut être une militante de RUSF à qui on dit, au cours de son audition
par la PAF, que sa démarche est juste mais qu’il faut se méfier des
extrémistes violents qui pourraient profiter de la situation.
Pourquoi
pas les balancer ? Là c’est la même : «Je te passe un coup de fil dans
deux semaines, on pourra rediscuter de où ça en est, le grand lieu,
s’il se passe des choses.» Tentative un peu grossière pour recruter un
indic… même s’il suffit souvent de se pointer à la convocation pour
devenir indic malgré soi : on en dit toujours un peu plus, des noms
sont évoqués, on confirme les soupçons de la police à demi mots, par
des silences alors que jusque là on bavardait gentiment. Il n’y a pas
de conversation anodine avec la police.
La SDAT à Lyon, c’est
bien cohérent avec la note de 2008 qui enjoignait aux parquets locaux
de faire remonter tous les faits intéressants à la juridiction
antiterroriste de Paris (tags anti-prison, actions anti-carcérales ou
de soutien aux sans-papiers) .
Récemment des tentatives pour
recruter des indics ont eu lieu dans les mouvements de défense des
animaux, dans les luttes lycéennes ou étudiantes. Au-delà de ces
convocations au premier abord farfelues ce contexte peut impliquer un
niveau de surveillance accru : surveillance des téléphones (écoutes,
géolocalisation, analyse des répertoires), des ordinateurs, des lieux
(squats, appartements grillés) et des personnes (filatures par exemple
à partir d’un lieu grillé, photos…).
Les bavardages dans le
milieu ou au téléphone facilitent le travail des flics. Ils parlent de
terrorisme, c’est des grands mots mais là ils en sont à faire leur
boulot un peu chiant de ratissage super large. Donc ça en passe plutôt
par de la discussion «informelle» et pas par une montée directe à
Levallois avec garde à vue de 96 heures.
Le minimum, et le plus
sûr, c’est de ne pas se rendre aux convocations qu’elles soient
formelles ou non. Rien légalement ne nous y oblige. Au pire les flics
viennent nous chercher. Au mieux ils lâchent l’affaire. À Paris, dans
une affaire d’antiterrorisme visant la «Mouvance Anarcho-Autonome
Francilienne» la décision a été prise collectivement, par des séries de
discussions, de ne pas aller aux convocations. Ça facilite la vie aux
gens qui se sentent en danger ou qui ont peur de ce qu’ils pourraient
lâcher, à celles et à ceux qui ne veulent pas filer leur ADN ni tailler
le bout de gras avec les flics. Et c’est le b. a ba pour leur griller
le terrain, défendre nos solidarités et nos pratiques de lutte.
Rebellyon, 16 février 2010.
PS:
Faites alors attention autour de vous, et quand vous êtes militant, faites attention à qui vous parlez de toutes vos actions...
Grégory