Invité Invité
| Sujet: L’État libéral, digne de l’État soviétique. Par Bernard Collot Sam 27 Juin - 17:51 | |
| Juste parce que je trouvais cet article intéressant...: - Citation :
- S’il est un domaine où l’État montre son vrai visage, c’est bien celui de l’éducation.
Même sous l’occupation, le contrôle sur le personnel, les élèves, les méthodes, n’a jamais été aussi verrouillé, aussi intense, aussi coercitif. Il faut être à l’intérieur du système éducatif pour s’en rendre compte.
On a pris d’abord pour de simples polémiques les débats enclenchés par le ministère à propos des méthodes, en particulier de la lecture. Violence et sécurité sont mises en exergue chaque fois que faire ce peut, sans parler de l’échec scolaire qui sert de justification pour l’opinion publique aux mesures brutales prises actuellement.
Au demeurant, sur tous les sujets, il y aurait eu matière à réflexion, observations, études des résultats des écoles différentes comme la seule qui ait été réalisée parallèlement par une équipe pluridisciplinaire de l’Université de Lille sur l’école de Mons en Bareuil, parfaitement ignorée. Les résultats d’enquêtes comme celles de PISA, voire comme celles menées par le ministère lui-même à propos des classes uniques qui donnaient des résultats surprenant et dérangeant, sont tout autant passés à la trappe. Il est vrai que, plus que les méthodes, c’est la conception du système éducatif français lui-même qu’ils mettent en question.
Au lieu de la concertation et d’une certaine humilité par rapport à des problèmes complexes qui impliquent des paramètres nombreux et divers (dont les paramètres sociaux, socioculturels) le gouvernement a choisi d’imposer des choix dont personne ne peut croire qu’ils soient particulièrement… pédagogiques !
La liberté pédagogique ne consiste plus qu’à appliquer stricto sensu les méthodes décrétées comme seules valables et qui ne sont même plus seulement préconisées. Seule la chaîne hiérarchique est affublée de l’étiquette « d’experts » ès pédagogie et fait appliquer avec un zèle qu’elle n’avait jamais mis auparavant des instructions devenues ordres (voir les nouvelles missions des corps d’inspection, Bulletin officiel n°22 du 28 mai 2009). Ce qui doit se faire à l’école et comment, est dorénavant défini par ceux qui n’ont jamais appris à lire ou enseigné (ou si peu) à qui que ce soit. La façon dont a été récemment décrété et imposé uniformément le soutien scolaire en est une belle illustration. Ce sont dorénavant le ministère et son administration qui « font la classe ». Ce qui signifie, au passage, que l’on ne pourra plus accuser les enseignants d’être responsables de quoi que ce soit ! Ils ne doivent être que de simples OS.
Les « élèves » sont ouvertement considérés comme des objets devant se plier à un façonnement dont on évalue la conformité à ses divers stades, comme on évalue celle d’une pièce usinée, en même temps que l’on vérifie la bonne application, par les OS chargés de l’usinage, des modes opératoires qu’ils n’ont qu’à suivre. Le fichage de ces « objets » est banalisé, généralisé, soi-disant pour le fonctionnement d’une énorme machine, sans que l’on se pose de questions sur la machine elle-même et sur les utilisations non avouées ou possibles d’une mise en fiches de tous les enfants de France.
Aucun État n’a jamais été aussi loin.
Les effets négatifs de cette mise au pas d’un système et de son personnel, entreprise depuis 7 ans, sont même utilisés pour accentuer encore un véritable totalitarisme éducatif : l’échec scolaire, la violence augmentent encore ? bon prétexte pour encore verrouiller un peu plus.
Et pour verrouiller, selon les méthodes bien connues, il faut éliminer tous ceux qui gênent. Nous en sommes à cette phase, insidieuse il y a quelques temps, carrément affichée aujourd’hui. Des pressions et des menaces hiérarchiques habituelles, on est passé aux mesures coercitives radicales de façon à expulser ceux qui osaient afficher publiquement leur résistance à l’absurdité et à ôter toute velléité aux autres : retraits de salaires d’abord, puis carrément licenciements comme dans l’académie particulièrement zélée de Marseille.
Et qui sont ceux que l’on est en train d’éradiquer ? Tous, sans aucune exception, des enseignants passionnés par leur métier, qui, bien au-delà leur temps de service et sur leurs temps de loisirs, de vacances, sur leurs finances personnelles, consacrent une bonne partie de leur vie à se pencher sur leurs pratiques, à chercher comment, dans et malgré un système éducatif calqué sur le ratio studorium des jésuites du XVIIIème siècle, tous (TOUS) les enfants peuvent tirer leur épingle du jeu. Raison officielle : service non fait pour les retraits de salaire, insuffisance professionnelle pour les licenciements ! Jusqu’à l’indécence et sans état d’âme comme par exemple à Aizenay, en Vendée, où des enseignants sanctionnés font partie de ceux qui depuis 1984 ont contribué à l’introduction des TNC à l’école, ont créé par leurs propres moyens les premiers réseaux télématiques d’écoles, fait de leur école un centre de lecture dont la notoriété dépasse nos frontières, dans l’indifférence absolue de l’administration. Comme par exemple à Marseille où on fabrique la soi disant insuffisance professionnelle d’un enseignant… qui a toute la confiance de ses parents d’élèves. On se croirait revenu au temps de « l’affaire Freinet ».
Si certains ont pu croire au « travaillez plus pour gagner plus », à l’Education nationale c’est le contraire, on vous sanctionne ou on vous vire.
Enseignants, futurs enseignants, soyez de simples fonctionnaires, c’est ce que l’on vous demande. Contentez-vous de remplir et de faire remplir à vos élèves les imprimés, les exercices officiels, les jours et heures indiquées, de leur lire ce que l’on vous aura dit de leur lire, et non seulement vous aurez la paix, mais peut-être aussi de l’avancement.
Un État qui se dit libéral, qui prône l’initiative, la libre entreprise, vient de se doter d’une Education Nationale qu’aurait pu lui envier l’État soviétique.
Bernard COLLOT
Ancien enseignant et essayiste
« Une école du 3ème type ou la pédagogie de la mouche »
« Du taylorisme scolaire à un système éducatif vivant »
|
|