Animateur Administrateur
Nombre de messages : 9064 Age : 33 Ville : Grand Ouest Date d'inscription : 17/05/2007
| Sujet: Article - comment les syndicats canalisent la colère Dim 15 Mar - 21:23 | |
| Toujours en attendant le 19 mars, un article maintenant sur les syndicats qui doivent canaliser notre colère. Comment font-ils ? Pourquoi le font-ils ? Le gouvernement doit-il bouger pour calmer les esprits ? - Citation :
- Les syndicats et la gestion du "ras-le-bol général", par Michel Noblecourt
LE MONDE | 13.03.09 | 14h10 • Mis à jour le 13.03.09 | 14h10
Bernard Thibault a lâché la formule, dans une interview au Parisien du 10 mars : "Il y a un ras-le-bol général." Avant la mobilisation du 19 mars, qu'il espère au moins aussi forte que celle du 29 janvier - 2,5 millions de manifestants, selon ses chiffres -, le secrétaire général de la CGT décrit un malaise social croissant face à la violence de la crise économique. Le problème pour les huit syndicats à l'initiative de la fronde - CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, UNSA, FSU, Solidaires - est de savoir comment ils gèrent dans la durée ce "ras-le-bol général". Comment ils l'organisent et le canalisent pour éviter ce que François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, appelle "des expressions radicales de désespoir".
Impulsant une "seconde jeunesse" à son concept de "syndicalisme rassemblé", la CGT laisse en partie à la CFDT, comme dans un partage des tâches, son rôle de force de propositions - qu'elle a illustré en imaginant un "fonds d'investissement social" - et se hisse en commandeur des luttes. Son score au scrutin prud'homal du 3 décembre 2008 a agi sur elle comme une potion magique. Même si l'abstention a été élevée (74,35 %), elle a conforté sa première place, avec 33,97 %, et creusé l'écart avec la CFDT (21,80 %), distancée de 12,17 points, alors que les cédétistes prétendent avoir plus d'adhérents. La CGT se prévaut même, grâce à la crise, d'un sursaut de syndicalisation : 9 330 nouveaux membres en janvier-février contre 5 536 un an plus tôt...
Le 3 février, en intervenant devant le comité confédéral national (CCN) de la CGT, pour le lancement de son congrès - du 7 au 11 décembre à Nantes -, M. Thibault a pourtant reconnu que cette crise économique mondiale "sans précédent" "met à rude épreuve les capacités du mouvement syndical du niveau local à l'échelle internationale". Mais, pour celui qui préside depuis dix ans aux destinées de sa centrale, "nous n'avons ni les forces organisées ni une organisation de la CGT nous permettant d'atteindre nos objectifs revendicatifs principaux, qui vont bien au-delà du fait d'incarner une force de résistance aux velléités gouvernementales et patronales". Un colosse aux pieds d'argile.
"Force de résistance", le syndicalisme ? Aucun syndicat, pas même les SUD, qui constituent l'ossature de Solidaires, n'imagine transposer en métropole une situation à la guadeloupéenne. Avant le 19 mars, tous récusent une transposition de ce qui s'est passé à la Guadeloupe. Pour organiser et canaliser le "ras-le-bol général", les syndicats veulent résister à la tentation politique qui les verrait constituer un front anti-Sarkozy pour capter une hostilité à la politique - et parfois à la personne - du président de la République qui agit comme un aiguillon dans les "manifs".
M. Thibault se refuse "à débattre sans fin de notre posture à l'égard de Nicolas Sarkozy" et renvoie dos-à-dos ceux qui, tels les SUD lors de leur congrès de juin 2008, accusent la CGT d'un "recentrage accéléré vers un syndicalisme de compromission sociale", et ceux qui, à droite, la soupçonnent d'"être animée par des motivations politiques inavouées". Pour M. Thibault, la plateforme commune du "groupe des huit" - qui va de la libérale CFE-CGC à la socialisante UNSA, lesquelles viennent de rompre leurs fiançailles qui devaient déboucher sur une fusion - "a affaibli la portée de ce procès d'intention".
M. Chérèque partage le même souci et dit "se moquer" des stratégies de M. Sarkozy ou de toute idée de "deal". Le secrétaire général de la CFDT ne veut pas être vu par l'Elysée comme le maillon faible du syndicalisme, celui qu'on peut récupérer moyennant quelques concessions, comme sur le fonds d'investissement social. Après le sommet social du 18 février, M. Chérèque a clamé haut et fort que "les avancées" obtenues n'étaient pas à la hauteur et qu'il voulait "un véritable changement de cap" avec, par exemple, une suspension du "bouclier fiscal" créé par la loi TEPA d'août 2007. Il a donc mis la barre haut.
Malgré leur faible implantation, les syndicats veulent aussi récuser toute tentation populiste - qui les conduirait à se faire l'écho indistinctement de toutes les revendications générées par les brûlures de la crise - et faire preuve d'un esprit de responsabilité dans la gestion de leur contestation. Comme pour démentir Laurence Parisot, la présidente du Medef, qui martèle qu'on ne peut pas ""faire la grève contre la crise". Pour autant, ils ne peuvent pas se lancer dans une ronde sans fin des journées d'action syndicale - encore deux ou trois avant l'été ? -, sachant que l'inédite unité d'action qu'ils ont réalisée est loin d'être à durée indéterminée.
Les syndicats sont donc en quête, selon leur langage, de "débouchés" (CGT) ou de "résultats" (CFDT). Un objectif plus difficile à atteindre quand il ne s'agit pas, comme pour le CPE, de demander le retrait d'un plan ou d'un projet. L'Elysée a déjà fait savoir qu'il n'y aurait pas, après le 19 mars, de nouveau sommet social. Pour autant M. Sarkozy peut lâcher du lest s'il veut éviter que la gestion du "ras-le-bol général" échappe aux syndicats, ouvrant la voie à des manifestations de colère sociale. Une relance par la consommation ? Une suspension de la loi TEPA alors que la Cour des comptes suggère son aménagement ? Un gel du non-remplacement des fonctionnaires ? Au bord du volcan, il y a parfois des gestes qui sauvent.
Courriel : noblecourt@lemonde.fr.
Michel Noblecourt >> http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/03/13/les-syndicats-et-la-gestion-du-ras-le-bol-general-par-michel-noblecourt_1167549_3232.html | |
|