La Préfecture de Police a proposé au porte-parole de
l'association "SôS soutien aux sans papiers", poursuivie pour
"incitation à la révolte", de devenir un interlocuteur privilégié pour
l'organisation des manifestations près des centres de rétention
administrative. L'association refuse et dénonce "un piège".
Le centre de rétention de Mesnil-Amelot, près de l'aéroprt de Roissy (Sipa) Le
porte-parole de l'association "SôS soutien ô sans-papiers" a été
convoqué mercredi 26 par la responsable du service de la préfecture de
police à Paris. Selon un communiqué de son association, publié jeudi,
il lui a été proposé de devenir l'interlocuteur privilégié des
autorités dans l'organisation des manifestations contre les centres de
rétention, alors même que le militant est encore sous le coup d'une
plainte de Brice Hortefeux pour "incitation à la révolte".
"Interlocuteur privilégié"
Selon
le communiqué de SôS, la préfecture de police aurait proposé à Rodolphe
Nettier de déclarer au nom de son association toutes les manifestations
faites aux abords des centres de rétention administrative (CRA) de la
région parisienne. En échange, la préfecture s'engagerait à laisser les
militants aller jusqu'aux portes pour exprimer leur solidarité avec les
retenus. Pour l'instant, ce genre de rassemblement est toujours gardé à
distance des bâtiments par un important dispositif policier. La
préfecture nous a confirmé avoir fait cette proposition. "Nous avons
pensé que M.Nettier serait un bon interlocuteur pour la suite" nous
explique Marie Lajus, chargée de communication de la préfecture de
police.
"Un piège"L'association dénonce
un "piège" tendu par la préfecture et refuse le contrat. Selon
l'association, l'objectif d'une telle proposition est de pouvoir
disposer de "responsables" identifiables si les autorités décidaient de
lancer des poursuites après ces rassemblements. "C'est un véritable
piège qui est tendu à notre camarade et plus largement aux membres de
l'association SôS soutien ô sans papiers. Au moindre incident, ils
seront poursuivis pénalement et pourront donc être condamnés" analyse
l'association. La préfecture, de son coté, soutient que cette
proposition ne visait qu'à faciliter l'organisation de ces
rassemblements : "La procédure de déclaration est bien rodée avec les
grandes organisations. C'est important de savoir qui sont les personnes
pour s'organiser. Nous avons pensé que M. Nettier serait un bon
interlocuteur".
Responsabilité
L'association
cite comme déclenchement d'une telle stratégie la manifestation du 11
novembre contre la réouverture du centre de rétention de Vincennes, qui
avait brûlé le 22 juin. Ce rassemblement, pour lequel aucune
organisation n'avait déposé de demande d'autorisation à la préfecture,
s'est terminé par un blocage de l'autoroute. Personne ne pouvant être
désigné comme "responsable", les autorités n'avaient pu poursuivre
aucun des participants. "SôS a monté une manifestation non déclarée le
11 novembre. Nous avons convoqué M.Nettier pour revoir ensemble les
procédures de déclaration" nous explique la chargée de communication
de la Préfecture. Pourtant, si des membres de SôS étaient présents, il
y avait aussi des militants indépendants ou affiliés à d'autres
organisations. "L'association n'entend pas prendre la place de
''responsable'' d'un mouvement dont la richesse est sa multiplicité"
conclue le communiqué de l'association. La Préfecture répond que
"M.Nettier est apparu médiatiquement" comme un représentant possible.
"Incitation à la révolte"L'association
s'étonne du choix de la Préfecture en s'adressant à Rodolphe Nettier.
En effet, suite à deux départs d'incendie, le 2 août, dans le centre de
rétention administrative du Mesnil-Amelot, le ministre de l'Immigration
avait déposé une plainte à l'encontre de l'association SôS pour
"incitation à la révolte". Ce jour là, l'association organisait une
manifestation de solidarité avec les retenus à l'extérieur du bâtiment.
L'association s'interroge : Brice Hortefeux " faciliterait l'action de
personnes et d'une structure qu'il considère comme de dangereux
incitateurs à la destruction des camps de rétention et pouvant mettre
la vie d'autrui en danger? Le ministère de l'immigration perdrait-il
les pédales ?". Interrogée sur son choix, la Préfecture nous répond :
"Les poursuites à l'encontre de l'association ne sont pas la question
ici".
Criminalisation
Depuis plusieurs
mois, le mouvement de soutien aux sans-papiers devient la cible de
poursuites de plus en plus fréquentes : "aide au séjour irrégulier",
"outrage", "destruction de biens", "entrave à la circulation d'un
aéronef", "incitation à la révolte"… Des salariés de France Terre
d'Asile aux militants de SôS soutien aux sans-papiers, en passant par
les Calaisiens qui hébergent des migrants, des parents d'élèves du
Réseau éducation sans frontière, ou des passagers qui s'opposent aux
expulsions dans les avions, les poursuites judiciaires engagées par
l'Etat deviennent monnaie courante. Même si la justice a tendance pour
l'instant à prononcer des sanctions symboliques ou des amendes peu
élevées, le monde militant s'inquiète de la criminalisation de son
action auprès des sans-papiers. Il s'agit d'une "politique répressive
organisée par le gouvernement dont le but est de bâillonner la
résistance citoyenne", commente RESF.