Par Chloé Leprince | Rue89 | 22/07/2008 | 12H35
Le 13 juillet, un dimanche, le Tour de France devait traverser Toulouse. Juste avant le marché des Carmes, une trentaine de militants du collectif Ni pauvres ni soumis attendait le peloton en bloquant la route, à un kilomètre après le départ d’étape. Parmi eux, une bonne moitié d’handicapés, dont une demi-douzaine en fauteuil.
Le collectif, créé a l’automne dernier, regroupe une centaine d’associations à l’échelle nationale, dont par exemple l’Association des Paralysés de France. En région Midi-Pyrénées, les Ni pauvres ni soumis viennent d’une trentaine de mouvements. Depuis février, ils cherchent à multiplier les manifestations. Ce jour-là, le passage des coureurs cyclistes était leur cible pour se faire entendre, notamment contre la non-revalorisation de l’allocation adulte handicapé (AAH), augmentée d’1,1% au 1er janvier dernier au lieu des 5% promis par Nicolas Sarkozy.
Des bleus, un fauteuil et des lunettes cassésSur le bitume de la rue du Languedoc, où ils s’étaient donné rendez-vous, les Ni pauvres ni soumis ont retrouvé la police municipale. Laquelle a appelé à la rescousse les CRS, avant que l’affrontement ne devienne plus musclé. Un internaute nous a aiguillé vers cette vidéo de la scène de la rencontre, filmée par un des handicapés depuis son fauteuil, au milieu de la route:
Sur cette vidéo, au sol, ferraillant avec des policiers, on aperçoit Anne-Marie Nunes, 51 ans. Atteinte de polyomiélite depuis l’âge de trois ans, elle est en fauteuil depuis « cinq ou six ans ». Elle commence son récit par « la police nous est tombée dessus », puis raconte la scène et énumère « quelques bleus, des ecchymoses, des bras écorchés, un fauteuil cassé et des lunettes en miettes »:
Témoin de la scène, un journaliste de la Dépêche du midi, qui a consacré un article à cette scène, confirme ce récit et écrit:
« Quelques CRS demandent vite du renfort. Certains sont polis: « Dégagez, messieurs. Excusez-nous, on fait notre boulot. On a aussi des handicapés dans notre famille. » D’autres sont plus nerveux et empoignent les handicapés manu militari, qui sont bousculés sans ménagement. Certains tombent hélas à terre. Dans la mêlée, un policier met même la main à l’étui de son pistolet. Des gradés ramènent le calme. Yannick est porté derrière des barrières de sécurité. Son pantalon tombe, lui aussi. Au sol, arrimé au pied d’une barrière, il continue à haranguer: « Honte à Sarkozy ». »
Egaux « dans la répression »Mardi 22 juillet, soit une semaine après l’événement, Rue89 a bien essayé d’avoir le son de cloche de la police toulousaine… en vain : les forces de l’ordre n’ont pas donné suite. Et si la réplique policière était signe d’une absence de discrimination? Anne-Marie Nunes a déjà anticipé la question et se demande avec humour s’il ne faut pas « se féliciter d’être traités comme tout le monde »… mais réclame alors « les droits qui vont avec »:
Elle veut surtout profiter de cette altercation pour rappeler son quotidien, elle qui n’a jamais travaillé mais dit « avoir postulé à des dizaines d’annonces pendant ses années ANPE »:
« Quand on vit avec l’allocation adulte handicapé, on vit avec 628 euros par mois, c’est à dire 20% en dessous-du seuil de précarité. A quoi il faut retrancher les franchises médicales, contrairement à ce que les gens pensent. Je n’ai même pas accès à la CMU parce que je touche dix euros de plus que le plafond qui permet d’être pris en charge. »
Du 13 juillet, Anne-Marie Nunes se souvient certes de la brutalité « même si les policiers faisaient leur travail ». Mais déplore au moins autant « la passivité des passants ». Comme chaque mois, elle qui raconte avoir entendu des remarques acides alors que le collectif bloquait la voie, apportera à la préfecture de région un chèque adressé à Nicolas Sarkozy. Son montant: 6,83 euros, l’équivalent de l’augmentation de son allocation au 1er janvier dernier. « Une aumône », dit-elle.