PARIS (Reuters) - Un incendie vraisemblablement d'origine criminelle s'est déclaré dimanche au centre de rétention de Vincennes (Val-de-Marne), un des plus grands de France, où sont enfermés 273 étrangers sans papiers en instance d'expulsion, apprend-on à la préfecture de police.
Le sinistre, qui intervient au lendemain de la mort d'un retenu tunisien, s'est déclaré dans l'après-midi. La préfecture de police de Paris a fait état dans une déclaration à Reuters d'un "départ simultané d'incendies dans les deux bâtiments du centre de rétention administratif à 15h45".
L'incendie a fait une quinzaine de blessés selon une source interne, une vingtaine selon une source policière. Il s'agit notamment de personnes intoxiquées par des fumées.
D'importants effectifs de pompiers ont été envoyés sur place. Les deux bâtiments de ce centre, l'un des plus grands de France, ont brûlé et sont complètement hors d'usage, dit-on de source policière.
Les occupants ont été évacués et d'abord transférés dans le gymnase de l'école de police situé à proximité, puis dans la cour, selon une source policière. Il est très difficile de connaitre leur sort futur, les capacités d'hébergement étant saturées.
Selon l'un des étrangers actuellement retenu à Vincennes, joint par téléphone par Reuters, l'incendie serait lié à une émeute qui aurait éclaté en milieu d'après-midi. Elle serait notamment liée au décès d'un Tunisien sans papiers, samedi, au centre de rétention.
Une source policière confirme cette version des faits. Des retenus auraient mis le feu à des matelas, alors que se déroulait à l'extérieur une manifestation de soutien.
MORT D'UN TUNISIEN
Le décès du retenu tunisien samedi a provoqué selon l'association RESF une vive émotion chez les occupants du centre. Il a succombé à une crise cardiaque et n'a pas subi de violences, dit-on de source policière. Une enquête a été ouverte et une autopsie doit être effectuée.
Les associations de défense des étrangers estiment, de leur côté, que ce décès est imputable à la politique du gouvernement et aux conditions de séjour dans les centres de rétention.
"Cette mort de trop est à mettre au funeste crédit de cette obsessionnelle politique cruelle, brutale et inhumaine qui criminalise l'immigration", dit le Mrap (Mouvement contre la racisme et pour l'amitié entre les peuples) dans un communiqué.
Il estime que le décès doit constituer une alerte sur les conditions de séjours dans les centres de rétention - où sont enfermés les étrangers sans papiers en instance d'expulsion - qualifiés "d'horreurs de la République".
Les centres de rétention seraient actuellement surpeuplés et la tension y serait de plus en plus vive, selon les organisations de défense des étrangers. Des objectifs chiffrés annuels d'expulsions ont été fixés à l'initiative du président Nicolas Sarkozy.
Le gouvernement n'a pas atteint en 2007 l'objectif de 25.000 expulsions d'étrangers sans-papiers qu'il s'était fixé. Le Premier ministre François Fillon a déjà indiqué à la presse que l'objectif pour 2008 était de 26.000 expulsions.
Un projet de directive européenne adopté le 18 juin par le Parlement européen fixe à 18 mois la durée maximale de la rétention, très au-dessus du maximum légal français actuel, qui est de 32 jours.
Le ministre de l'Immigration français Brice Hortefeux a toutefois annoncé qu'il n'entendait pas changer ce chiffre légal français. Ce ministre s'est félicité jeudi dernier d'une progression des expulsions de clandestins, qui aurait augmenté de 80% sur les cinq premiers mois de 2008.
Thierry Lévêque